La vitalité culturelle dans les quartiers : un vecteur de mixité sociale et de participation citoyenne

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Crédit photo : Yaen Tijerina

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Culture Montréal

En 2006, Leonard Cohen confie à un journaliste : « Je me sens chez moi quand je suis à Montréal, dune façon que je ne ressens nulle part ailleurs. Je ne sais pas de quoi il sagit, mais cest un sentiment qui est de plus en plus fort avec les années ».  Ces quelques mots permettent de donner un indice sur notre définition de la vitalité culturelle dans les quartiers. Pour Culture Montréal, elle se caractérise en effet par la présence d’artistes, d’artisans, d’organismes, d’industries culturelles et créatives et d’actions contribuant à une offre culturelle riche et diversifiée. Elle est ancrée dans les milieux de vie et fait appel à une participation proactive de la communauté des citoyens. La culture se veut donc liant social et permet de créer une rencontre entre nos identités personnelles et de favoriser la naissance, ou le renforcement, de nos identités collectives.

La vitalité culturelle existe dans les quartiers lorsque les conditions de la création artistique et culturelle sont réunies, que la culture est accessible à tous et que tous les citoyens et les citoyennes sont invités à y contribuer. Culture Montréal a notamment créé, en collaboration avec le TIESS et le CRISES de l’UQAM, une grille d’indicateurs de vitalité culturelle pour évaluer le dynamisme culturel du territoire et identifier a fortiori les déserts culturels. Le but est également de favoriser la naissance de cette « force intangible [qui] façonne notre identité en tant que communauté et qui façonne les villes » pour reprendre les mots de Moridja Kitenge Banza, président de Culture Montréal.

Lors de la troisième édition du Forum sur la vitalité culturelle des quartiers de Culture Montréal, en collaboration avec la Ville de Montréal à la Maison de la culture Ahuntsic, nous avons réuni près de 200 acteurs de tous horizons s’intéressant à la question de l’équité territoriale et souhaitant réfléchir aux manières d’assurer les mêmes conditions d’accès et de participation à la culture à tous et toutes, partout sur l’île de Montréal. Le conférencier d’ouverture, Guillaume Ethier, et les différents panélistes, ont également pensé la culture comme vecteur d’une plus grande mixité et équité sur l’ensemble du territoire.

Créer des moments de lenteur et de rencontres

À l’heure des villes numériques et de l’hyperconnectivité, nous ne sommes jamais vraiment seuls. Nos téléphones intelligents nous permettent, depuis chez nous, d’échanger avec d’autres et à l’inverse nous allons parfois dehors, dans les espaces publics, pour faire une pause et pour marcher sans communiquer avec d’autres individus. Guillaume Ethier, dans son essai La ville analogique: Repenser l’urbanité à l’ère numérique, s’interroge sur notre rapport aux autres et sur notre perception de la sociabilité urbaine. Entre les bulles numériques dans lesquelles nous vivons depuis nos appartements et l’espace public, il manque un lieu de rencontre. Dans un entretien pour Actualités UQAM, Guillaume Ethier dit : « Sur les réseaux sociaux, on ne croise que des gens aux profils socioculturels semblables au nôtre. Or, quand on expérimente la ville dans toute sa richesse, on se frotte à la différence des statuts, des cultures et des opinions. C’est enrichissant de côtoyer des gens qui ne pensent pas comme soi ! ».

La ville doit donc être conçue comme une expérience de déconnexion où la culture de proximité permet de créer des moments de lenteur et des rencontres physiques avec des personnes de différents âges et de différents milieux sociaux dans des lieux multiples. L’un de nos panélistes, Mohamed Noredine Mimoun, qui est coordonnateur et agent de mobilisation au Forum Jeunesse de Saint-Michel, affirme que les nouveaux arrivants viennent dans un premier temps dans des organismes culturels pour sociabiliser et faire des activités. La culture de proximité est donc attrayante car elle permet de sortir de chez soi, d’aller vers le tangible et de rencontrer ses voisins et voisines. Il convient de trouver dans l’espace urbain comment favoriser ce type de moments qui peuvent par exemple prendre forme dans des bibliothèques ou bien dans des cours de pratique artistique amateur. Il faut penser la ville autrement et garder en tête que la culture peut se déployer dans tous les lieux. Comme pour démontrer cette idée et afin de rendre compte de la présence de projets culturels dans le territoire montréalais, Culture Montréal a fait paraître une cartographie numérique issue d’un appel à projets. Cet instrument ludique vise à faire découvrir certaines organisations qui créent la vitalité culturelle dans les quartiers de la ville. Cette cartographie numérique permet également d’agir comme une forme de témoignage momentané du foisonnement culturel du nord au sud et d’est en ouest.

 

Un exemple de la cartographie numérique de Culture Montréal avec les projets de l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville.
Nous vous invitons à la consulter dans son ensemble pour découvrir les différents projets des arrondissements participants.

Montée en compétence et émancipation citoyenne

Au-delà de la question de la rencontre, la culture permet notamment aux nouveaux arrivants de s’intégrer en apprenant le français. Elle vise également à proposer une plateforme d’expression pour que les jeunes par exemple puissent développer leurs opinions, s’inscrire dans la vie de la cité et découvrir l’art, en se donnant le droit, s’ils le veulent, d’en faire un métier. Il existe de nombreux freins à l’accès à la culture. Léa Ilardo, coordinatrice en équité territoriale à Vivre en Ville, soulève que malgré la gratuité de l’offre, certaines personnes n’en profitent pas car il y a un phénomène d’auto-exclusion, de stigmatisation et un sentiment de manque de légitimité. À cela, peut également s’ajouter la fracture numérique. Catherine Roy, agente de liaison à la bibliothèque de Parc-Extension, propose des pistes de solution telles qu’une offre adaptée, avec par exemple des jeux et des films qui permettent aux familles de découvrir et de s’approprier la bibliothèque différemment.

La montée en compétence des citoyens et des citoyennes se traduit également par leur participation à des réflexions sur leurs milieux de vie et sur les différentes manières d’inscrire des projets, par exemple immobiliers, dans l’identité et dans l’évolution d’un quartier. L’acceptabilité sociale d’un projet et son appréciation par la population sont plus grandes lorsque les artistes locaux ont été mis en valeur et que les gens ont été consultés. La collaboration doit être au cœur de tout projet de revitalisation d’un territoire et la culture peut être une manière de donner vie à un espace où les citoyens et les citoyennes se sentiront chez eux. Ces échanges entre les organismes locaux et la population permettent de créer un lien de confiance et contribuent à rêver la ville autrement en amenant la culture dans des endroits hétéroclites. L’occupation transitoire des lieux est également un levier intéressant à exploiter car il permet de les pérenniser par l’expérimentation de projets dans lesquels les citoyens et les citoyennes peuvent s’impliquer en proposant leurs idées et en participant concrètement à la vitalité culturelle de leur quartier.

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