Vers une nouvelle source de financement pour les arts et la culture ? — Taxe spéciale sur les panneaux d’affichage

Panneaux © Ruize Li / Unsplash

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Culture Montréal

Depuis plusieurs années, Culture Montréal s’intéresse à de nouvelles modalités de financement de la culture, comme celle implantée à Toronto sous la forme d’une taxe spéciale sur les panneaux d’affichage. Afin de creuser davantage la question, nous avons confié le mandat à Danielle Pilette PhD, urbaniste et professeure associée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG UQAM, d’explorer la mise en place d’un tel dispositif à Montréal. Le rapport qu’elle a rédigé avec Jean-François Payette PhD, chargé de cours au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’ESG UQAM, s’intitule Les panneaux publicitaires géants à Montréal ; régie et territoires, exemple de Toronto et perspectives de compensations financières à des fins spécifiquement culturelles. En voici un aperçu :

Dans cette étude, la Ville de Montréal est interpellée et encouragée à s’investir dans une nouvelle source de financement pour l’offre d’activités culturelles à travers une taxe spéciale sur les panneaux publicitaires des tierces parties ; c’est-à-dire ceux qui sont sous la responsabilité d’entreprises spécialisées. Cette taxe offre l’avantage d’ajouter de nouveaux moyens aux ressources déjà disponibles sans créer aucun préjudice envers les citoyens. Les auteurs de cette étude signalent qu’elle est administrativement simple à appliquer, et qu’elle pourrait rapporter environ trois millions de dollars par année pour la culture montréalaise.

En 2010, Toronto a mis en place cette taxe spéciale dédiée au financement des arts et de la culture. Elle fut d’abord contestée par les entreprises publicitaires visées. Mais ultérieurement cette solution a apporté un revenu annuel de l’ordre de dix millions de dollars. De plus, elle a permis à la Ville de Toronto de constituer une réserve assurant la progression de ses dépenses culturelles pour l’avenir.

 

Toronto © Sandro Schuh /  Unsplash

 

En outre, les panneaux publicitaires sont aussi perçus comme de la pollution visuelle. C’est pourquoi la Ville de Toronto a conçu aussi cette taxe spéciale comme une compensation financière à l’atteinte portée au paysage urbain. À Montréal, c’est le même argument de la préservation de la qualité des paysages qui a motivé l’arrondissement du Plateau Mont-Royal à interdire les panneaux publicitaires sur son territoire. Après dix ans de bataille judiciaire, la Cour d’appel a donné droit en 2019 à l’interdiction, confirmant ainsi les préjudices causés par les panneaux au caractère patrimonial de l’arrondissement. Depuis lors, le Plateau a entrepris leur démantèlement.

D’autres arrondissements suivront-ils l’exemple ? Peut-on imaginer une disparition totale des panneaux publicitaires dans l’ensemble de la ville d’ici quelques années ? Rien n’est sûr. En revanche, la mise en place éventuelle d’une taxe effective pendant la durée des atteintes est une alternative intéressante pour compenser les impacts de la pollution visuelle. D’autant que les revenus bénéficieraient directement à la collectivité en permettant le financement d’activités culturelles locales.

En somme, le véhicule fiscal de la taxe spéciale sur les panneaux publicitaires des tierces parties ne menace pas le développement local, mais vise plutôt un nombre restreint de publicitaires. Elle sous-tend un choix politique par sa double finalité : d’un côté de limitation et de réparation des nuisances causées, de l’autre de financement des investissements publics en culture.  Cette formule, complémentaire et alternative au développement de l’offre culturelle de Montréal, n’accaparerait pas de ressources destinées à d’autres services ou territoires. Enfin, cette taxe pourrait être étendue aux futures tours 5G dont les atteintes au paysage patrimonial et naturel seront majeures.