Le 7 octobre prochain, la Commission permanente de l’art public de Culture Montréal a invité artistes, chercheurs, commissaires, travailleurs culturels et citoyens férus d’art public à un forum sous le thème « L’art public à l’épreuve de la commémoration corrigée ».
Mais qu’est-ce que la commémoration corrigée?
La commémoration corrigée est un phénomène qui interroge notre rapport à la mémoire collective dans l’espace public. Plus précisément, ce qui nous intéresse dans le cas présent sont les œuvres d’art public érigées dans le but de se souvenir, donc de commémorer ou de célébrer un personnage, un fait d’histoire, une idée.
Que faire des œuvres qui ne correspondent plus à nos valeurs et principes actuels ? Quelles mesures adopter face aux monuments ou sculptures représentant des personnages contestés ou faisant référence à des moments controversés et révolus de notre histoire ? Deux questions, parmi tant d’autres, qui seront abordées lors du forum Entre raison et tension : l’art public à l’épreuve de la commémoration corrigée.
Même si la mise en question des choix mémoriels dans l’espace public n’est pas nouvelle, elle se pose aujourd’hui avec une certaine acuité à l’aune du vivre ensemble et de nos principes éthiques.
Deux cas montréalais : Jutra et Macdonald
En 2016, après la publication d’un témoignage mettant en cause Claude Jutra dans une affaire d’agressions sexuelles sur mineur, les autorités politiques décident en quelques jours du retrait de la sculpture de Charles Daudelin Hommage à Claude Jutra située dans un parc, à l’angle de la rue Clark et Prince-Arthur. L’objectif étant d’effacer toutes traces publiques du célèbre cinéaste, révélé aux yeux de tous comme étant un pédophile. Ce geste de commémoration corrigée a soulevé un grand nombre de questions en plus de révéler l’impréparation de nos décideurs quant au traitement des enjeux mémoriels liés à l’art public. Car au-delà de Jutra, c’est l’œuvre de Daudelin qu’on assassine.
À l’inverse de l’Hommage à Claude Jutra, le monument dédié à John A. Macdonald, installé sur la place du Canada à Montréal, n’a pas été retiré alors que son existence fait l’objet d’une vive contestation de la part de citoyens. En effet, John A. Macdonald n’est pas seulement connu pour avoir été l’un des pères de la Confédération, mais aussi pour avoir contribué directement au génocide des peuples autochtones. Dès lors, célébrer son souvenir reviendrait pour certains à faire l’apologie de la haine de l’autre et des heures sombres de la Confédération. Pour d’autres, la perspective d’un déboulonnement équivaudrait à une réécriture dangereuse de l’histoire.
Ces deux cas, loin d’être entièrement représentatifs de la question, illustrent l’ampleur du phénomène de la commémoration corrigée, véritable enjeu de société.
Que faire dans ces conditions? Quelles formes la commémoration corrigée peut-elle revêtir au-delà du déplacement d’une œuvre? Et surtout, quel avenir se dessine pour l’art public au lendemain de la commémoration corrigée?