20e anniversaire : mon Quartier des spectacles

Une photo de Joshua Niyogakiza

par —
Culture Montréal

À l’occasion du 20e anniversaire du Partenariat du Quartier des spectacles, Malina Lambert, notre nouvelle responsable du bulletin des membres, m’a demandé de vous parler de « mon » Quartier des spectacles, ayant été un « témoin actif » de son évolution pendant une bonne partie de ces vingt années.

D’entrée de jeu, il faut rappeler que le quartier comptait déjà une riche histoire, incarnée notamment par ses salles de spectacle, certaines existant depuis plus de cent ans. Depuis les années 70, les festivals ont pris une importance grandissante, à la fois sur ce territoire et dans notre imaginaire. C’est cette conjonction de salles et de festivals qui a donné lieu au projet du Quartier des spectacles. Vous trouverez en hyperlien la petite histoire du Quartier des spectacles et de son Partenariat, tirée du site du Partenariat du Quartier des spectacles.

De mon côté, j’ai pensé répondre à l’invitation de Malina en identifiant des mots dont l’évocation permet de mesurer à quel point l’intervention artistique et culturelle contribue à transformer le territoire.

Mixité sociale
Dès le départ, il y avait une volonté de « cohabitation harmonieuse », la vision d’un « quartier coloré qui conservera une marginalité tonifiante, dans un contexte plus sécuritaire et inclusif ». C’est toutefois par les Jardins Gamelin, inaugurés en 2015 et renouvelés annuellement pendant la belle saison, que le Quartier des spectacles a véritablement incarné le principe d’inclusion et rendu les abords du métro Berri-UQAM plus sécuritaires pour tout le monde.

Étudiants
Mine de rien, le campus de l’UQAM est quasi calqué sur le territoire du Quartier des spectacles et est alimenté par trois stations de métro. On ne le dira jamais assez : une des forces du centre-ville de Montréal est sa population étudiante. Seulement dans le cas de l’UQAM et du cégep du Vieux-Montréal, il s’agit de plus de 40 000 étudiants qui sont présents dans le quartier.

Innovation
Deux exemples parmi de nombreux autres.
– Technologie : même si le territoire est d’un kilomètre carré, il est conçu comme une salle de spectacle intégrée. Cette approche d’avant-garde rend difficile l’exportation de créations issues du concours Luminothérapie : plusieurs villes ne sont pas « rendues là »…
– Gouvernance: en confiant les clés du Quartier des spectacles à un organisme à but non lucratif issu de la société civile, la Ville envoie un message clair : elle veut que le Quartier des spectacles bénéficie en continu de la créativité issue du milieu. Personne ne l’a regretté.

Créativité numérique
« Le domaine public, lieu d’expression artistique » est l’une des dix grandes orientations de développement du Quartier des spectacles. Elle trouve tout son sens en avril 2011, au moment de l’inauguration de la promenade des Artistes. L’œuvre 21 balançoires (Mouna Andraos et Mélissa Mongiat) devient alors, pour plusieurs années, le symbole de la créativité propre au Quartier des spectacles et celui de l’arrivée du printemps!

Hiver
Il y a longtemps qu’il est question de tourisme hivernal au centre-ville. Le festival MONTRÉAL EN LUMIÈRE a constitué une première réponse. Plus récemment, l’esplanade Tranquille et sa patinoire sont devenus une raison d’avoir hâte à l’hiver. Et aussi un vecteur d’intégration. Parmi les gens qui fréquentent la patinoire, on compte un nombre étonnant de personnes qui profitent de l’occasion pour patiner une première fois, en louant des patins sur place. En deux ans, l’esplanade Tranquille est déjà une icône montréalaise.

Urbanisme
Oui, la formation du Quartier des spectacles est le résultat de la volonté du milieu. Mais la Ville n’a pas fait qu’appuyer symboliquement cette volonté. L’adoption successive de deux « plans particuliers d’urbanisme » (PPU), celui du secteur Place-des-Arts (2008) et celui du Quartier latin (2013) a fait une différence immédiate et tangible.

  • Lorsque l’Office national du film du Canada a souhaité quitter ses locaux trop grands de la Côte-de-Liesse pour se déplacer vers le centre-ville, il a fallu discuter non pas avec l’Office national du film du Canada, mais plutôt avec le ministère fédéral responsable du « déménagement », ministère dont l’objectif était de louer n’importe où, fonction du plus bas soumissionnaire. Fort heureusement, l’existence du PPU a permis de bénéficier de l’approche « bon voisinage », qui autorise le fédéral à respecter la volonté municipale, lorsqu’elle est clairement exprimée. Résultat, le splendide immeuble construit par la Société d’habitation et de développement de Montréal (Provencher_Roy) qui abrite maintenant l’Office national du film du Canada.

Immobilier
Le développement immobilier n’était certes pas un argument en faveur de l’investissement public dans le Quartier des spectacles au départ, puisqu’il était très difficile d’imaginer le niveau d’engouement que celui-ci pourrait susciter. Ce fut pourtant le cas, faisant du Quartier des spectacles l’un des leaders de la densification du cœur de la ville.  Plus de deux milliards de dollars ont été investis jusqu’à maintenant. Et des taxes foncières additionnelles et récurrentes qui justifient très largement les investissements de la Ville.

Pionnier
Joseph-Alexandre DeSève a été, en son temps, un leader de l’industrie audiovisuelle québécoise. Sa fondation, notamment propriétaire du Théâtre Saint-Denis, a investi des sommes considérables, depuis 2015, pour relancer avec succès « l’îlot Saint-Denis » et en faire le moteur de la relance du Quartier latin.

Patrimoine
La bibliothèque Saint-Sulpice, a été construite en 1914. Son architecte, Eugène Payette, est aussi celui qui a conçu la bibliothèque centrale. Classée en 1988, la bibliothèque deviendra la Maison de la chanson et de la musique du Québec, retrouvant à la fois une vocation digne de l’impact qu’elle a eu sur la société montréalaise et son rôle essentiel dans la riche histoire du Quartier latin.

Danse
Deux sagas dans une. D’abord celle de l’errance de la « salle de l’Orchestre symphonique de Montréal » qui, après avoir failli être construite sur McGill College, bloquant ainsi la vue sur le mont Royal, puis sur de Bleury, est devenue la Maison symphonique, voisine de Wilfrid-Pelletier. Puis celle de l’immeuble Wilder, exproprié pour être démoli en vue de construire la salle de concert, qui est finalement conservé et intégré dans ce qui est maintenant connu comme Wilder Espace Danse, qui regroupe quatre compagnies artistiques : Les Grands Ballets, Tangente, l’Agora de la danse et l’École de danse contemporaine de Montréal. Tout est bien qui finit bien.

Cirque
Il y a trente ans, de l’argent public avait été consacré à transformer l’ancienne brasserie Ekers en musée Juste pour rire, projet qui s’est finalement révélé une fausse bonne idée. Fort heureusement, un autre projet culturel occupe maintenant cet espace : le centre de création et de production de la troupe circassienne Les 7 Doigts, contribuant aussi à requalifier ce segment du boulevard Saint-Laurent.

Musique
– Mon meilleur souvenir de la Place des Festivals : le spectacle d’Arcade Fire, le 22 septembre 2011.
– La meilleure nouvelle pour la rue Sainte-Catherine : l’installation du magasin de musique Steve’s, en 2017. Il vient y rejoindre d’autres commerces culturels : la librairie Zone Libre et DeSerres, présent dans le quartier depuis 1908. L’arrivée de Steve’s consacre la réhabilitation de ce segment de la rue, sans trahir l’ADN du quartier.

Bouffe
La Société de développement Angus a lancé en 2013 le projet du Carré Saint-Laurent, avec l’appui du Québec (installation du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration) et de la Ville (déménagement du Centre d’histoire, devenu le Centre des mémoires montréalaises). L’ouverture du Central a favorisé la mise en valeur de la diversité gastronomique montréalaise.

Nuits
Sur « la Main », le Club Soda (ancien Crystal Palace) et la Société des arts technologiques (ancienne boucherie jouxtant le Marché Saint-Laurent devenu la Place de la Paix) sont les deux piliers culturels du secteur. Pour rappeler le « bon temps » du Red Light, il reste l’increvable Café Cléopâtre, ainsi que le Montréal Pool Room, qui a changé de côté de rue mais conservé les effluves de l’époque. Sans compter le Monument-National (1895) qui, lui, a tout vu depuis plus d’un siècle…

Jean-Robert Choquet, vice-président du C.A. de Culture Montréal

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