Quelle place pour les femmes en culture?
Le 27 avril dernier, suite au dépôt du budget 2021 dont la culture fut identifiée comme l’un des principaux axes de la relance et à l’initiative du ministre du Patrimoine canadien, monsieur Steven Guilbeault, s’est tenue une table ronde virtuelle animée par Valérie Beaulieu, directrice générale de Culture Montréal. Celle-ci portait sur la place des femmes en culture ; une discussion alimentée par Christine Bouchard, directrice générale d’En piste et présidente de Compétence Culture, Marcelle Dubois, directrice générale et codirectrice artistique du Théâtre aux Écuries et du Festival du Jamais Lu, Vanessa Kanga, artiste et fondatrice du Festival Afropolitain Nomade, Jenny Thibault, directrice générale de Xn Québec et Caroline Voyer, directrice générale du Réseau des femmes en environnement.
Existe-t-il encore des plafonds de verre à briser dans le secteur des arts et de la culture ?
La question est pertinente lorsque l’on constate que beaucoup d’organisations, d’institutions et de sociétés d’État culturelles sont dirigées par des femmes. Au niveau de la gouvernance, l’on observe que les conseils d’administration dans le secteur des arts et de la culture sont pour la plupart paritaires. Mais, comme nous le disons souvent, poser la question c’est y répondre!
Nous avons échangé avec le ministre et les participantes sur la réalité vécue par les femmes œuvrant dans certains secteurs spécifiques comme le théâtre, les arts du cirque, la musique et la production multimédia, mais également sur les réalités vécues par les artistes et les créatrices féminines.
Une représentativité toujours à conquérir
Lors de la table ronde, la démarche menée par le Mouvement des femmes pour l’équité en théâtre (F.E.T), entamée dans le cadre du chantier féministe de l’Espace Go, a été présentée par Marcelle Dubois. Les constats dressés par ce groupe de créatrices révèlent qu’il existe une sous-représentation des femmes en théâtre, particulièrement au niveau des postes clés. Par exemple, les opportunités en écriture et en mise en scène sont souvent offertes à des hommes : « Même si on peut compter sur une certaine représentativité des femmes en écriture, plus on se rapproche des grandes institutions, et moins il y a de parité. Ce même biais est constaté dans les écoles de théâtre où la majorité des pièces travaillées avec les étudiants sont écrites par des auteurs masculins. »
En 2017, le manque de parité dans les programmations des festivals de musique avait également fait couler beaucoup d’encre et avait fait naitre le regroupement Femmes en musique (F*EM). En France, l’association Loud’Her en a d’ailleurs fait son cheval de bataille. Lors des échanges, Vanessa Kanga a confirmé que ces enjeux sont encore bien présents tout en précisant, au-delà de la parité hommes-femmes, qu’il est important de ne pas négliger la notion d’intersectionnalité et les défis qui ne sont pas reliés au genre. Dans ces réflexions, il est donc important de ne pas oublier les autres types de diversités.
Le cirque ne fait pas exception
À la base, le secteur des arts du cirque est relativement jeune. Selon Christine Bouchard, il s’agit d’un secteur où il existe toujours un enjeu de représentativité au niveau des postes de direction. La majorité des grandes compagnies de cirque sont dirigées par des hommes. Le recrutement représente aussi plusieurs défis. Le milieu est constitué d’une forte présence masculine ce qui peut engendrer des stéréotypes sexistes. Lors de la table ronde, la directrice d’En piste a également soulevé le niveau de précarité et de vulnérabilité, tant bien physique que psychologique, chez les femmes du secteur. Certaines d’entre elles rapportent même que, lors d’entrevues, on leur demande comment elles vont faire pour pallier le fait que la maternité va transformer leur corps.
Par ailleurs, Christine Bouchard, aussi présidente de Compétence Culture, en a profité pour rappeler qu’aucun milieu n’est à l’abri des inconduites sexuelles, une réalité préoccupante qui a été fortement dénoncée au cours des derniers mois.
Les femmes en créativité numérique
Autre secteur relativement jeune, celui de la production multimédia qui, selon Jenny Thibault, a longtemps été considéré comme un boys club et intéressait peu les femmes. Heureusement, les choses changent. Son parcours professionnel, notamment comme cofondatrice du Festival de musique émergente puis son passage à l’ONF, lui a permis de constater que beaucoup de progrès avait été réalisé. Néanmoins de nombreux préjugés demeurent, notamment au moment de l’embauche. La maternité et la monoparentalité constituent à ce titre de sérieux obstacles lors d’un processus de recrutement et peuvent confiner les femmes dans un statut précaire.
Difficile de parler de boys club sans penser à l’industrie du jeu vidéo. Et là encore, les différents studios souhaitent emboiter le pas, notamment sous l’impulsion du plan d’action adopté par la Guilde des jeux vidéo. D’ailleurs, à ce sujet, notons les engagements et les résultats probants en matière de parité pour certaines institutions telles que l’ONF, Téléfilm, et récemment le Fonds des médias du Canada.
Le Réseau des femmes en environnement
Le secteur de l’environnement présente certaines similarités avec le secteur culturel, notamment on remarque que les femmes y sont surreprésentées. Sur le sujet, Caroline Voyer avance que même si l’environnement est un sujet qui rejoint autant les hommes que les femmes, la parité n’est toujours pas atteinte au sein du milieu. Avec le programme Scènes écoresponsables du Réseau des femmes en environnement, l’on constate que ce sont principalement les femmes qui travaillent sur l’écoresponsabilité et les politiques de développement durable au sein des organismes culturels.
En une heure seulement, cette table ronde aura permis de faire prendre conscience qu’il reste encore certaines étapes à franchir afin que le secteur des arts et de la culture devienne réellement exemplaire en matière d’équité, de représentativité et de parité hommes-femmes. Restons donc mobilisés autour de ces questions !