Retour — Causerie virtuelle : L’espace public à l’épreuve de la distanciation sociale

par —
Culture Montréal

L’espace public à l’épreuve de la distanciation sociale : quelles conséquences pour la ville de demain ?

Le 27 mai dernier, nos membres étaient invités à venir échanger avec Dinu Bumbaru, directeur des politiques chez Héritage Montréal et membre du CA de Culture Montréal, et François-Xavier Tremblay, agent de développement culturel du Plateau-Mont-Royal, sur la question des impacts des nouvelles mesures de distanciation sur l’animation de l’espace public. Les deux intervenants font aussi partie de la commission permanente sur le cadre de vie de Culture Montréal.
Plusieurs pistes d’action et de réflexion encourageantes ont émergé au cours de cette discussion.

 

Une occasion de repenser la ville

Est-ce que le plan estival de corridors sécuritaires de Montréal pourrait transformer la ville au niveau de sa promenabilité? Pourrait-on également imaginer une « revanche » de la géographie qui consisterait à réfléchir selon la spécificité des espaces et de la valeur des lieux et non en fonction de la programmation.

Pour cela on doit d’abord élargir la définition d’espace public et l’étendre au-delà de la propriété publique (le parc par exemple) pour rejoindre l’ensemble des lieux de valeur collective, comme les rues et les trottoirs des avenues commerciales locales, les parvis d’églises, etc. La culture peut contribuer à mettre en lumière le sens de ces lieux de vie partagés, de se les approprier et de les transformer en espaces culturels. La crise nous offre l’opportunité de provoquer des changements qui s’installeront de façon permanente et transformeront le milieu urbain en profondeur.

Agir à l’échelle des quartiers

L’urgence de se réinventer permet une nouvelle lecture de l’espace et offre aux artistes et aux créateurs l’opportunité d’être au cœur d’une nouvelle vision urbaine qui prend racine dans les quartiers.
Dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, un programme de soutien aux initiatives culturelles a été mis en place afin de répondre au défi de maintenir la vitalité culturelle et soutenir une programmation riche malgré les contraintes sanitaires. Ainsi, les corridors de voies actives sécuritaires lancés par la Ville sont repensés dans ce contexte comme des sites pour d’éventuels projets artistiques, notamment autour de l’art public ou de la déambulation. Ce fonds est réfléchi comme un laboratoire et il faudra évaluer de quelle façon faire vivre ces projets dans le temps. Seront-ils éphémères ou deviendront-ils permanents?

Pour l’organisme MU, l’objectif est de mettre en valeur l’authenticité des quartiers tout en créant des emplois pour les artistes durant la période estivale. La démarche cherche à enrichir l’expérience du citoyen dans l’espace public et rejoint l’idée de promenabilité en proposant des parcours à pieds. Les espaces utilitaires, même ceux soumis aux contraintes de salubrité, peuvent devenir beaux et ludiques. On peut, avec du marquage au sol, l’application de vinyles ou d’affiches faire vivre ces espaces de quartiers. Ces approches éphémères sont également appelées à évoluer dans le temps et se transformer.

Animer l’espace public autrement

D’autres initiatives voient le jour afin d’animer des espaces d’envergure dans le centre-ville et soutenir la création. Les 7Doigts, avec d’autres créateurs, évaluent la possibilité d’opérer une grande scène d’été ou pourrait se déployer une programmation regroupant, cirque, concerts, théâtre, etc. Le projet serait d’accueillir les spectateurs dans leurs voitures autour d’une grande scène d’été afin de mobiliser une masse critique tout en respectant les consignes sanitaires.

Le quartier des Spectacles s’affaire quant à lui à contourner les obstacles ayant mené à une quasi-désertification de son territoire. La stratégie est de donner aux Montréalais l’envie de redécouvrir le centre-ville autrement que par sa programmation habituelle. Le quartier des Spectacles… sans spectacle ! On mise sur une programmation « surprise », alternative et évolutive. Des exemples : créer des parcours déambulatoires menant vers différents pôles où seraient présentées des prestations artistiques, ou encore, utiliser les vitrines de commerces pour créer des cabinets de curiosité offerts à des artistes.

Une nouvelle vision urbanistique?

Il est plus que jamais essentiel d’adapter nos pratiques à court terme et de se réinventer, mais il est tout aussi important d’avoir une vision pérenne pour le futur de la métropole. Une vision qui s’inspirera des enseignements de l’exercice de distanciation sociale que nous vivons.