Lettre ouverte — Élections fédérales 2025 : Faire campagne pour la culture

© Rémi Boyer

par —
Culture Montréal

FAIRE CAMPAGNE POUR LA CULTURE

(Cette lettre ouverte a été publiée dans l’édition du 10 avril 2025 du Devoir)

Dans le cadre des élections fédérales, Culture Montréal dévoile le jeudi 10 avril sa plateforme culturelle électorale dans un contexte unique, où les enjeux de souveraineté culturelle côtoient une crise majeure du secteur. La naissance du modèle culturel canadien est le fruit d’une lente évolution qui plonge ses racines dans la nécessaire affirmation de la souveraineté culturelle, clé de voûte de l’indépendance du pays face à la pression constante des États-Unis.

Dès 1951, les arts et les lettres sont présentés comme le fondement de l’existence et de l’unité nationale du Canada. Le secteur culturel joue donc un rôle central relié aux questions du bien collectif, de l’intérêt national et de l’identité. C’est pourquoi l’implication du gouvernement du Canada dans le développement culturel se matérialise à travers la création et la promotion d’une offre culturelle, ainsi que dans le fait de favoriser l’accès aux contenus canadiens.

D’abord, par le financement d’institutions publiques phares telles que CBC/Radio-Canada (1929), l’Office national du film du Canada (1939), le Conseil des arts du Canada (1957) ou encore Téléfilm Canada (1984), mais aussi par toute une combinaison de subventions et d’incitatifs fiscaux, de lois (radiodiffusion, droit d’auteur), d’instruments réglementaires comme le CRTC et d’accords intergouvernementaux.

Aujourd’hui, la proximité avec les États-Unis, superpuissance économique et culturelle, représente un défi existentiel compte tenu de leur gouvernement actuel. Les velléités expansionnistes américaines et le conflit commercial sans précédent ouvert entre nos deux pays constituent une sérieuse menace, pouvant entraîner des impacts majeurs sur la consommation culturelle et sur l’exportation des œuvres et des produits culturels et ainsi fragiliser les modèles économiques culturels en cas de récession économique.

Face à cette situation, il faut préserver ce qui nous distingue collectivement et ainsi réaffirmer l’importance de la culture au sein de notre société.

Les artistes, les organismes et les industries culturels, à travers les œuvres et les contenus qu’ils créent, participent à l’élaboration d’une communauté de valeurs, de pensées et d’images.

Pour assurer la continuité historique du Canada, préserver ce qui fonde sa singularité et cultiver ce qui nous unit, le gouvernement du Canada doit continuer de soutenir le cœur créatif et de garantir les conditions d’accès à la culture.

D’abord, en prenant les mesures adéquates pour protéger le secteur de la culture par l’entremise d’aides spéciales d’urgence, dans le cas d’une récession économique résultant du conflit commercial avec les États-Unis. Ensuite, en élargissant le programme d’assurance-emploi pour inclure les artistes, travailleuses et travailleurs culturels qui sont aux prises avec une précarité grandissante. Enfin, en portant à 1 % du budget fédéral les dépenses en culture pour donner les moyens nécessaires aux grandes institutions culturelles, telles que Patrimoine canadien, le Conseil des arts du Canada, le Fonds des médias du Canada, l’Office national du film du Canada ou Téléfilm Canada, de soutenir la pérennité du secteur des arts et de la culture.

En outre, la situation d’instabilité chronique et de vulnérabilité de CBC/Radio-Canada exige qu’on réfléchisse à un financement prévisible à long terme pour la société d’État, ce que propose notamment le document L’avenir de CBC/Radio-Canada.

Investir en culture, c’est renforcer la souveraineté culturelle canadienne. Par ailleurs, les décisions qu’Ottawa sera amené à prendre auront également une influence significative sur le devenir de Montréal et sur l’aménagement culturel du territoire. Sur ce point, le gouvernement du Canada joue un rôle central dans la revitalisation de sites emblématiques de propriété fédérale, comme le Vieux-Port, qui vit depuis des années une situation d’immobilisme compte tenu de l’absence de concertation entre la Ville et la Société immobilière du Canada.

Assurément, Ottawa doit assumer davantage son rôle d’impulsion dans ce dossier, comme dans d’autres projets de développement culturel territorial.

Dans un contexte mondial de métropolisation, il est essentiel de soutenir l’essor de la métropole culturelle et francophone du Canada. En ce sens, le prochain gouvernement doit s’engager en faveur de la relance d’une instance de gouvernance concertée inspirée de l’alliance Montréal, métropole culturelle, de concert avec les autres ordres de gouvernement et la société civile pour nous projeter dans une vision ambitieuse de notre métropole culturelle.

 

Moridja Kitenge-Banza, président de Culture Montréal

Emmanuelle Hébert, directrice générale de Culture Montréal