- Quel est le rôle de la culture dans la ville relationnelle ?
Il est central car ce que nous appelons culture, dans la perspective des droits humains fondamentaux, ce sont toutes nos manières de « faire humanité » — et plus spécifiquement ici de faire urbanité. En ce sens, la ville relationnelle est toute entière culturelle, c’est-à-dire favorable à nos relations d’humanité, qu’elle cherche à favoriser, soutenir, maintenir, amplifier, approfondir, élargir. Nous défendons ainsi le droit à la ville, pour reprendre le titre du livre majeur d’Henri Lefebvre paru en 1968 et toujours inspirant, nous pensons qu’elle doit être une œuvre commune, plus largement démocratique, et que chacune et chacun doit pouvoir y prendre place et contribuer à son invention.
C’est cette approche de la fabrique urbaine et des territoires que nous sommes nombreux à promouvoir et à développer dans des pratiques d’urbanisme culturel, notamment via le Mouvement de l’urbanisme culturel, association que nous avons cofondée en France avec une dizaine de collègues il y a deux ans (https://mouvementurbanismeculturel.fr/).
Je voudrais aussi souligner ici l’importance pour nous des droits culturels, tels qu’ils sont mentionnés dans la Déclaration universelle des droits humains de 1948, définis dans la Convention de l’UNESCO de 2005 et résumés dans la Déclaration de Fribourg de 2007, et insister sur la nécessité de favoriser la diversité culturelle, de soutenir la dignité des personnes et de faciliter leur participation contributive à la vie culturelle, en particulier à la vie urbaine.
Plus spécifiquement, dans la ville relationnelle, les acteurs du champ culturel, au sens plus institutionnel du terme, ont bien sûr un rôle central à jouer, que ce soit dans le domaine des arts visuels, du théâtre, de la danse, du cirque, des arts de la rue, de la musique, du jeu vidéo, du patrimoine, de la lecture publique, de la poésie, de la littérature, du cinéma, des enseignements artistiques, ou d’autres domaines encore.
D’abord bien sûr parce qu’ils sont producteurs d’imaginaires ou d’artefacts stimulants et inspirants, mais aussi créatrices et créateurs de relations d’humanité entre les personnes, ou entre des communautés via des projets artistiques et culturels. Ensuite parce qu’ils occupent souvent un espace physique dans des rues ou sur des places qu’ils peuvent contribuer à animer, par exemple en ayant une activité visible depuis l’extérieur voire qui déborde sur l’espace public. Enfin, et de manière plus directe, parce que certains d’entre eux travaillent spécifiquement dans et avec l’espace public.
Il nous faut considérer la ville dans toutes ses dimensions spatiales et temporelles, de la ruelle au boulevard, de la placette aux quais, du coin de rue au grand parc, diurne ou nocturne et en toutes saisons, comme une chaîne d’infrastructures relationnelles. Elle permet, ou doit permettre, que s’y déploient des relations d’humanité, de convivialité, d’hospitalité, de solidarité, de connaissance et reconnaissance, et doit être configurée et entretenue en conséquence. Car toutes ces dimensions nécessitent du soin, de la maintenance, des investissements, pour le bénéfice de la communauté humaine et urbaine.