Philanthropie culturelle, quelles ambitions pour le Québec ? Les faits saillants

par —
Amélie Saffré
Mini-conférence | Tour d’horizon des pratiques de la philanthropie culturelle
par Wendy Reid, Professeure honoraire en management de HEC Montréal.

Autrice de l’étude « Repenser la philanthropie culturelle à Montréal Les relations et la communauté » (Conseil des arts de Montréal, 2020)

En introduction, Madame Reid nous a partagé sa définition de la philanthropie de proximité et de ce qui la distingue de l’approche arts-affaires et de la notion de charité. La forte dimension sociale et le marketing relationnel forment ainsi les fondements de la philanthropie de proximité. Il a été également fait mention de l’importance de la culture philanthropique dans les organisations et du rôle essentiel des différentes parties prenantes au sein des organisations, incluant le conseil d’administration et la direction.

« La philanthropie de proximité se caractérise par des relations étroites, dynamiques et continues ainsi que par des valeurs humanistes qui informent ces relations. Elle favorise la solidarité au sein d’une communauté en relation avec l’art. »

→ Afin de favoriser la croissance de la philanthropie culturelle, certains investissements stratégiques sont requis tels que :

  • Développer des bases de données intégrées (logiciels de Gestion de la Relation Client);
  • Encourager le développement des professionnel.le.s de la philanthropie dans les arts;
  • Créer des fonds affiliés adaptés aux besoins de l’organisation;
  • Cultiver l’inspiration de l’art chez les jeunes.

Le développement de la culture philanthropique repose tout autant sur les politiques culturelles et les incitatifs fiscaux, que sur « l’effet de diffusion » d’initiatives concluantes en philanthropie qui inspirent le milieu et créent des modèles. L’intégration des deux approches (de haut en bas et de bas en haut) contribue aux bonnes pratiques en philanthropie culturelle.

En conclusion, quelques clés de la réussite de la philanthropie de proximité ont été partagées et se présentent comme suit :

1. Le développement des relations où l’art est au coeur des échanges;
2. Le rôle primordial des professionnel.le.s de la philanthropie;
3. L’engagement du conseil d’administration et de la direction;
4. La formation pour tous les acteurs en philanthropie, incluant le CA;
5. Les bases de données.

Pour visionner l’intégralité de la mini-conférence de Wendy Reid :

PANEL 1 | Quelles sont les formes et les tendances actuelles de la philanthropie culturelle au Québec ?

Émilie L. Cayer : Présidente-directrice générale – Fondation du Musée national des beaux-arts du Québec.
Moridja Kitenge Banza : Artiste et directeur artistique – Atelier Circulaire.
Véronique Rankin : Directrice générale – Wapikoni mobile.
Animation : Andreea Bargoveanu : Cheffe, relations gouvernementales et protocole – Orchestre Métropolitain.

Les trois invité.e.s ont partagé leur perspective sur les opportunités et les défis en matière de développement philanthropique au sein de leurs organisations et milieux respectifs.

La forte dimension sociale de l’Atelier Circulaire permet de créer une communauté « au cœur de notre philosophie philanthropique ». La pandémie a forcé la prise de conscience que la philanthropie de proximité était déjà implantée dans le centre d’artistes. Selon Monsieur Kitenge Banza, les opportunités de soutien philanthropique de la production artistique et de la relève en arts imprimés passeraient notamment par le développement de la médiation culturelle pour les plus jeunes et les familles.

À la Fondation du MNBAQ, la culture philanthropique demeure jeune. Le modèle philanthropique est en cours de consolidation et repose sur trois « piliers » (dons annuels, dons majeurs et dons planifiés) où aucun de ces trois types de dons n’est à négliger. Face à la concurrence d’autres secteurs tels que la santé et l’éducation, Madame L. Cayer recommande de valoriser la philanthropie liée aux arts auprès de sa communauté en allant « vers ceux qui nous aiment déjà ».

Madame Rankin salue la force de la communauté et de la place des arts qui se situe au cœur des cultures autochtones : « La culture n’est pas un élément externe à l’individu, l’art et la culture font partie du quotidien. Nous sommes des artistes à la naissance, nous sommes des porteurs culturels et des passeurs culturels. »

L’engagement philanthropique dans les communautés repose fortement sur la contribution à titre de bénévole du fait des valeurs d’entraide et de solidarité intrinsèquement ancrées dans les cultures autochtones. Le bénévolat a donc un impact tangible sur la réalisation des activités du Wapikoni Mobile. Cependant, Madame Rankin observe que certains leviers d’incitation aux dons ne sont pas adaptés au contexte autochtone. Plus globalement, la question du développement philanthropique en contexte autochtone demeure complexe et, à ce jour, non élucidée. La recherche universitaire serait une avenue intéressante pour traiter de ces problématiques.

→ Au cours de cet échange ont été identifiés certains enjeux qui freinent l’essor de la philanthropie au sein des organisations culturelles :

  • Les incitatifs fiscaux profitent plutôt aux grandes institutions qu’aux petites organisations.
  • Les défis organisationnels en matière de ressources (humaines, financières, expertises) demeurent problématiques.

→ Plusieurs pistes de solutions ont été également énoncées :

  • Réviser les critères du Premier don important en culture en baissant le seuil du montant;
  • Créer un incitatif fiscal qui encouragerait la récurrence des dons;
  • Mutualiser les expertises via un programme de parrainage d’expert.e.s en philanthropie pour former les CA des plus petites organisations;
  • Former les conseils d’administration pour démystifier la philanthropie culturelle;
  • Expérimenter des nouvelles formes de levées de fonds, notamment en établissant un partenariat entre une institution et une plus petite organisation;
  • Créer un fonds afin d’encourager le développement de la culture philanthropique dans les organisations non soutenues au fonctionnement.

→ Enfin, quelques conseils ont été prodigués aux organismes culturels :

  • Entretenir une relation artistique avec ses donateur.rice.s;
  • Recueillir et partager des histoires inspirantes;
  • S’entourer de bénévoles qui ont une place prépondérante, à commencer par les membres du conseil d’administration.

Pour visionner l’intégralité du panel 1 :

Mini-conférence | Les conditions gagnantes de la philanthropie selon différents secteurs

Par Caroline Bergeron, Msc., M.A, Responsable des études en gestion philanthropique à la Faculté d’éducation permanente de l’Université de Montréal.

Madame Bergeron nous a présenté les résultats de deux chercheuses : Pamala Wiepking et Femida Handy.

→ Huit facteurs contextuels transversaux favoriseraient le don individuel :

1. Présence d’une culture philanthropique
2. Confiance basée sur la transparence et la reddition de compte
3. Cadres et normes
4. Incitatifs fiscaux
5. Professionnalisation du secteur
6. Stabilité politique et croissance économique
7. Enjeu des changements démographiques
8. Dons internationaux reçus

« Les meilleurs prédicteurs pour le don sont l’attitude sociale ou la propension à l’altruisme des individus : des facteurs liés à l’histoire personnelle. » Caroline Bergeron citant Wieping et Handy (2015).

→ À l’étude de ces facteurs, quelques constats ressortent :

  • Lorsque la philanthropie est une valeur partagée par la communauté, les individus qui la composent sont plus susceptibles d’adopter un comportement de donateur.
  • Encourager la philanthropie dans le discours ambiant et valoriser des exemples permettent d’initier la conversation dans la communauté en matière de philanthropie.
  • La transparence et la reddition de compte sont des éléments primordiaux.
  • Un secteur balisé avec des normes claires améliore la confiance du public et appuie les OBNL. Cependant, les exigences administratives associées à ces normes et règles peuvent parfois freiner l’innovation.
  • Les incitatifs fiscaux pour les dons sont des outils accessibles et faciles à instaurer par les autorités en place et stimulent les dons.
  • La maîtrise des compétences en philanthropie demeure nécessaire au développement et au
    maintien des ressources humaines dans les OBNL.
  • La formation reconnue et certifiée ainsi que la reconnaissance des actions liées à la philanthropie comme activité professionnelle sont également des indispensables. Néanmoins, un écueil persiste à une trop forte professionnalisation qui mènerait à négliger le rôle crucial
    des bénévoles.
  • Trouver des incitatifs pour rejoindre une population de plus en plus diversifiée, miser sur l’éducation et enseigner la philanthropie dès le plus jeune âge pour s’approprier le concept de philanthropie s’avèrent essentiels.

*Source : Wieping, P. & Handy, F. (Eds.). (2015). The palgrave handbook of global philanthropy. PalgraveMacmillan. https://link.springer.com/book/10.1057/9781137341532

Pour visionner l’intégralité de la mini-conférence de Caroline Bergeron :

PANEL 2 | Quelle contribution des politiques publiques à la philanthropie culturelle ?

Charles Milliard : Président-directeur général – Fédération des chambres de commerce du Québec.
Julien Valmary : Directeur du soutien et de la philanthropie au Conseil des arts de Montréal.
Yvan Gauthier : Conseiller stratégique, Président-directeur général de la Fondation du Grand Montréal (2013-2020) et du Conseil des arts et des lettres du Québec (2004-2013).
Cyrille Ekwalla : Journaliste et producteur de contenus médias, co-président du conseil d’administration de la Fondation Dynastie.
Animation : Karla Etienne, artiste en danse, gestionnaire culturelle et directrice générale de l’Assemblée canadienne de la danse.

Les quatre invités ont présenté un état des lieux des politiques publiques et échangé sur les freins et les opportunités en matière de développement de la philanthropie culturelle au Québec.

Les programmes de soutien tels que Patrimoine canadien et Mécénat Placement Culture ont notamment permis à un nombre significatif d’organismes culturels de se créer des fonds de dotation (surtout les fonds à perpétuité), d’augmenter le nombre de collectes de fonds et de développer les réseaux de donateurs et de donatrices au Québec.

→ Cependant, Monsieur Gauthier reconnaît que quelques enjeux persistent :

  • Les budgets des programmes d’appariement n’ont pas été indexés et n’ont pas suivi la croissance de la demande;
  • Les programmes de soutien au mécénat profitent surtout aux organisations déjà bien structurées, mais restent moins accessibles aux organismes dits de la diversité culturelle et autochtones, ainsi que les organisations sur les territoires éloignés des grands centres urbains;
  • Le manque de formations et d’expertise dans le milieu subsiste.

Du côté du Conseil des arts de Montréal, plusieurs initiatives ont été mises sur pied afin d’avoir un réel impact sur le terrain : développement d’études sur la philanthropie (Épisode, Rapport de 2020), encouragement au développement philanthropique dans les organisations artistiques via le parrainage fiscal ou encore soutien à la professionnalisation du milieu avec les stages en philanthropie culturelle (organisés en partenariats avec l’Université de Montréal et HEC Montréal). Monsieur Valmary a précisé que l’enjeu de l’équité et de la représentativité des communautés dans les organisations artistiques, incluant les conseils d’administration, s’avère primordial.

Monsieur Ekwala déplore que de nombreuses barrières subsistent pour rejoindre les organisations dirigées par des afro-descendants et des afro-descendantes afin de les inclure dans la discussion sur la philanthropie culturelle. Les organismes dits de la diversité culturelle ont des freins supplémentaires pour permettre leur développement de la philanthropie. Une des problématiques repose notamment sur la communication et l’accès à l’information sur les initiatives existantes. Madame Etienne ajoute que « le principe de communauté est au cœur de nos pratiques, c’est le pont que l’on peut faire avec les communautés » pour entreprendre les premiers pas vers une culture philanthropique.

Pour attirer le milieu des affaires dans le secteur culturel, Monsieur Milliard considère qu’il y a plusieurs opportunités à saisir, à commencer par la valorisation de la qualité exceptionnelle du produit culturel québécois dans le marché international et de la vivacité des arts au Québec. Les entreprises peuvent investir en culture afin de promouvoir la marque employeur et de créer des milieux de travail attrayants. De même que les organisations culturelles constituent un argument de vente pour favoriser l’attractivité dans les régions. Enfin, la reconnaissance de l’importance du bien-être dans la société peut notamment passer par l’expérience artistique et représente un intérêt supplémentaire de la communauté des affaires à l’égard du secteur culturel.

→ La question des initiatives à renforcer et à développer a suscité de nombreuses réflexions, plusieurs actions ont été proposées :

  • Indexer et augmenter les programmes existants en fonction de la demande;
  • Assurer la promotion des programmes et développer des mesures particulières pour les petites organisations;
  • Créer des agents et agentes de développement philanthropique sur le modèle des agents et agentes de développement numérique (ADN);
  • Favoriser l’accès à l’information aux communautés qui devraient pouvoir bénéficier des programmes offerts par les organisations gouvernementales, mais qui ne sont pas actuellement desservies;
  • Encourager le développement de fonds de dotation dédiés aux organismes culturels des communautés noires;
  • Assumer le rôle de leadership et de mutualiste de la part des plus grands « joueurs »;
  • S’inspirer du programme de parrainage fiscal par d’autres acteurs du milieu tels que les Conseils régionaux de la culture;
  • Valoriser des initiatives de la part des organisations plus établies et structurées par le biais de parrainages pour des campagnes de financement de plus petits organismes;
  • Cultiver l’intérêt des donateurs et donatrices pour les organismes dits de la diversité culturelle;
  • Développer les compétences en philanthropie culturelle dans les conseils d’administration
    pour soutenir les directions générales;
  • Favoriser la gouvernance inclusive au sein des conseils d’administration;
  • Renforcer la présence d’un comité de gouvernance dans les conseils d’administration;
  • Offrir la possibilité aux petites organisations qui n’ont pas de statut d’organisme de bienfaisance (avec un numéro de charité) de recevoir des dons;
  • Appuyer la philanthropie dans les PME par le biais de la responsabilité des entreprises (RSE);
  • Relancer l’idée de créer une Charte de la philanthropie en partenariat avec la Fédération des Chambres de commerce du Québec;
  • Faciliter la rencontre entre les organismes culturels et le milieu des affaires lors des activités des Chambres de commerce;
  • Encourager les plus jeunes en faveur du bénévolat et de l’habitude philanthropique.

Pour visionner l’intégralité du panel 2 :

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