Budget fédéral 2026-2027 — Entre soulagement et préoccupations du milieu culturel

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Culture Montréal

Le premier budget du gouvernement de Mark Carney, déposé hier, était attendu par un milieu culturel mobilisé qui craignait des mesures d’austérité entraînant de nombreuses coupures. Malgré les importantes compressions budgétaires qui touchent la plupart des ministères – dont celui de la Culture et de l’Identité canadiennes qui n’est pas épargné -, de bonnes nouvelles soulagent notamment les secteurs de l’audiovisuel, de la musique ou celui des festivals et des événements majeurs.

Néanmoins, le Conseil des arts du Canada, instrument majeur de soutien à l’écosystème artistique canadien, n’obtient qu’une faible augmentation de son enveloppe et la question du filet social pour les artistes a été complètement éludée du budget malgré les engagements pris par le Ministre Guilbault, notamment lors du débat sur la culture organisé par la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (CDEC), le Réseau Culture 360°, Culture Montréal et la Chaire de gestion des arts Carmelle et Rémi-Marcoux de HEC Montréal en avril dernier.

Autre changement, le budget sera dorénavant dévoilé à l’automne et proposera en majorité des annonces s’étalant sur trois ans, procurant un peu plus de prévisibilité souhaitable en ces temps d’instabilité.

En outre, Culture Montréal se réjouit de constater que quelques recommandations formulées dans sa plateforme électorale fédérale 22 propositions pour renforcer la souveraineté culturelle du Canada se retrouvent dans le budget, notamment la modification de la Loi sur le droit d’auteur, l’appui à la modernisation du mandat de CBC/Radio-Canada ou le renouvellement du financement accordé à la Biosphère.

Parmi les mesures du budget fédéral 2026-2027, nous pouvons retenir entre autres quelques bonnes nouvelles :

Audiovisuel

  • 127,5 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé pour le Fonds des médias du Canada « afin d’appuyer les créateurs de contenu audiovisuel canadiens »;
  • 150 M$ pour l’année en cours (2025-2026) pour que CBC/Radio-Canada puisse « renforcer son mandat de servir le public et de mieux répondre aux besoins de la population canadienne » pour leur offrir un contenu de qualité qui reflète leur identité. « Le gouvernement étudiera la possibilité de moderniser le mandat de CBC/Radio-Canada afin de renforcer son indépendance. Il explore aussi actuellement, en collaboration avec CBC/Radio-Canada, la possibilité que le Canada participe à l’Eurovision ». Il est à noter qu’en dépit de ce versement pour l’année en cours, aucun montant n’est prévu pour les années suivantes;
  • 6 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé à la plateforme TV5MONDEplus pour l’achat de contenu canadien.

Musique

  • 48 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé au Fonds de la musique du Canada « afin de faire avancer la carrière des artistes canadiens tout en renforçant la compétitivité et la stabilité du secteur canadien de la musique ».

Festivals et commémorations

  • 46,5 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé au Fonds du Canada pour la présentation des arts « afin d’aider les organismes qui présentent professionnellement des festivals artistiques ou des séries d’arts de la scène »;
  • 21 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé pour le programme de Développement des communautés par le biais des arts et du patrimoine « afin de soutenir les festivals locaux, les commémorations communautaires et les projets d’immobilisations communautaires ».

Tourisme

  • 116,3 M$ sur deux ans, à compter de 2025-2026, afin de renouveler le laissez-passer Un Canada fort pour la période des Fêtes 2025, puis de nouveau durant l’été 2026 afin de permettre aux familles et aux jeunes de pouvoir accéder gratuitement ou à prix réduit aux parcs nationaux, aux musées, aux galeries d’art et aux déplacements en train à travers l’ensemble du pays.

Périodiques

  • 38,4 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé « pour le volet Mesures spéciales pour appuyer le journalisme du Fonds du Canada pour les périodiques afin d’aider les petits organes de presse et les médias communautaires à maintenir la production de contenu éditorial et journalistique canadien de qualité ».

Biosphère

  • 9 M$ sur trois ans, à compter de 2026-2027, sera accordé à Environnement et Changement climatique Canada afin de financer la part fédérale de la Biosphère.

Droit d’auteur

  • Le gouvernement a également annoncé son intention de modifier la Loi sur le droit d’auteur pour y instituer le droit de suite de l’artiste et ainsi permettre aux membres de la communauté artistique du pays d’obtenir des redevances sur les futures ventes de leurs œuvres.

Des préoccupations qui demeurent

Certes, plusieurs investissements appuient les créateurs et créatrices du pays tout comme l’économie culturelle, mais de nombreuses et importantes demandes du milieu artistique et culturel sont restées en suspens et certains programmes culturels doivent être réorientés, voire amputés d’une certaine partie de leurs budgets.

  • Au niveau du financement, plusieurs artistes, regroupements et organisations, dont Culture Montréal, au long de la campagne électorale ou lors des consultations prébudgétaires, avaient réclamé une allocation d’un moins 1% du budget des dépenses fédérales aux arts, à la culture et au patrimoine ce qui incluait une augmentation de 140M$ pour le Conseil des arts du Canada (CAC). Or, bien qu’il ne prévoie aucune coupe, le budget actuel ne propose qu’une mince augmentation de 6 M$ sur trois ans à compter de 2026-2027 malgré la hausse marquée des demandes qui ont triplé depuis 2017 et l’importance du bailleur de fonds pour l’ensemble de la chaîne de création, de production et de diffusion. Bien que le milieu se soit grandement mobilisé et que le contexte de crise (inflation, hausse des coûts, tarifs douaniers, etc.) dans lequel nous nous trouvons justifie des actions pressantes, cette décision est préoccupante.

 

  • Des demandes concernant le filet social par l’élargissement et la modernisation du régime d’assurance-emploi pour y inclure les artistes et les travailleuses et travailleurs du secteur culturel sont elles aussi restées sans réponse. Ce dossier majeur, porté notamment dans notre plateforme électorale fédérale souligne l’importance d’adapter les politiques publiques afin de poser les jalons d’une véritable protection sociale des artistes fragilisés au niveau économique pour assurer des conditions qui favorisent notamment leur rétention sur le territoire.

 

  • Afin de « réaliser des économies visées pouvant atteindre 15% sur trois ans », Patrimoine canadien doit réorienter « ses programmes culturels pour répondre aux besoins changeants et assurer l’efficacité des programmes ». Par exemple, « l’enveloppe de financement du Fonds du Canada pour les espaces culturels sera réduite et réorientée pour mettre l’accent uniquement sur le financement d’équipements spécialisés dans le secteur culturel dans le but d’offrir une façon rentable de moderniser les installations culturelles ». Alors que nombre de projets de construction, rénovation, ou mise à niveau des équipements culturels sont entrepris dans un contexte d’explosion des coûts et de pression immobilière, le Fonds du Canada pour les espaces culturels ne dispose que d’un budget annuel réduit pour l’ensemble du territoire canadien même s’il connaît un volume de demandes accru. Les détails de ces coupures et les questions qui en émanent devront être soulevés lors du prochain débat en commission parlementaire.

 

  • Culture Montréal, en appui aux Scènes de Musique Alternatives du Québec (Les SMAQ), reste également grandement préoccupé par le manque de mesures spécifiques d’aide aux lieux de diffusion indépendants et réaffirme l’importance de protéger ce secteur névralgique de la musique live qui produit annuellement des recettes de 3,73 M$ et emploie plus de 100 000 personnes à l’échelle canadienne.

 

  • Finalement, nous restons également à l’affût des prochains développements concernant les dossiers de la sauvegarde de l’exemption culturelle lors de la renégociation de l’ACEUM ou la Loi sur la diffusion continue en ligne (C-11).